Hommage à Reimar Lüst

Reimar Lüst, de nationalité allemande, connu pour ses recherches sur le système solaire, le rayonnement cosmique et la physique des plasmas, hydrodynamique et fusion nucléaire, pionnier de la recherche spatiale européenne, s’est éteint dans la nuit du 31 Mars à Hambourg, à l’âge de 97 ans.  Fils d’un Pasteur Luthérien, né à Wuppertal -Barmen le 25 mars 1923, il étudie au Lycée de Kassel de 1933 à 1941, puis  fait son service militaire dans la Marine comme ingénieur mécanicien en Mer du Nord. Bombardé, à bord du Sous-marin 528, par les avions anglo-américains, en voie de sombrer à 320 m de profondeur il réussit, grâce à une force physique et une chance peu commune, à en sortir vivant. Au bout d’une nage de plusieurs kilomètres sous le feu des destroyers ennemis, il est fait prisonnier de guerre en Angleterre puis aux Etats Unis à Mexia dans le Texas, de 1943 à 1946. Lors de ce séjour forcé il se fait remarquer comme brillant ingénieur et scientifique. En 1946, de retour en Allemagne, il suit des études de physique à l’Université Johann-Wolgang-Goethe de Francfort-sur-le-Main où il obtient un Diplôme de physique en 1949, et, en 1951, devient assistant à l’Institut de Physique Max Planck de Göttingen où il obtient son Doctorat de Physique théorique sous la direction de Carl Friedrich von Weizsäcker et de Werner Heisenberg de l’Institut Max Planck de physique.  En 1955-1956 il est boursier Fulbright à l’Institut Enrico Fermi de l’Université de Chicago puis à Princeton. En 1956 il devient père du futur physicien Dieter Lüst, aujourd’hui directeur de l’Institut Max Planck de physique à Munich, donc l’un des successeurs de Heisenberg.*

En 1961, il est appelé par la Société Max Planck à prendre la responsabilité d’un groupe de travail en vue d’établir les prémices du programme spatial allemand. Deux ans plus tard nait le MPE, le Max-Planck Institute de Physique extraterrestre, associé à l’institut de Physique et d’Astrophysique à Garching près de Munich et dont le programme était l’étude par fusées sondes de l’environnement terrestre et son interaction avec le vent solaire, tâche délicate en raison des restrictions de désarmement imposées par les Alliés.  A la recherche de possibles coopérations scientifiques, il est amené à rencontrer au cours des Assemblées du COSPAR et de colloques scientifiques, plusieurs pionniers de la recherche spatiale Européenne dont Jacques-Blamont, à la tête du Service d’Aéronomie centré sur l’étude de l’atmosphère terrestre par fusées sondes.  Avec Blamont il établit une relation amicale et déterminante pour le futur développement du programme spatial Européen. Entre 1959-1965, depuis les champs de tir de l’Ile du Levant en France et d’Hammaguir au Sahara algérien, Lüst et Blamont conduiront leurs expériences avec entre autres la fusée Véronique, successeuse du V2 allemand, pouvant atteindre 200 km d’altitude qui leur ont permis de sonder la haute atmosphère par l’intermédiaire d’éjections de sodium et le déplacement du champ magnétique terrestre aux hautes altitudes avec des nuages de baryum. Dans le contexte de l’après-guerre, ces expériences n’auraient pu se faire sans l’hospitalité française et l’attirance que Lüst exerçait sur ses collègues.

Cette camaraderie ouvrit la porte de la coopération scientifique européenne et Lüst devient en 1962 le directeur technique du Conseil Européen de Recherches Spatiales d’où naitra l’ESRO, ancêtre de l’ESA, fondée par Pierre Auger et Eduardo Amaldi (créateurs du CERN), et dont il sera le premier directeur scientifique. En 1972, il devient président de la Société Max-Planck et en 1984, il sera élu Directeur Général de l’ESA par le conseil présidé par Hubert Curien, poste qu’il occupera jusqu’en 1990. Au cours de son mandat, seront décidés Ariane 5, la participation à la future station spatiale internationale, le démarrage des études sur la navette Hermès (qu’il n’aimait pas trop !) et le programme scientifique Horizon 2000 qui a fait de l’ESA la deuxième agence scientifique spatiale au monde. En 1989 il devient président de la Fondation Alexander Von Humboldt. En 1995 avec son ami Johannes Geiss, il fonde l’International Space Science Institute à Bern et en 2001 l’Université Jacobs à Brême.

Ses nombreux postes de responsabilité l’ont amené à rencontrer chefs d’État et de gouvernements. Avec son épouse Nina Grunenberg, journaliste à Die Zeit ils étaient très liés au Chancelier Helmut Schmidt. Grand ami de la France, officier de la Légion d’Honneur, il laisse à ses collaborateurs et tous ceux qui l’ont connu le souvenir d’un grand scientifique, d’un grand gestionnaire, exigent et efficace, à l’immense talent politique, et fidèle dans ses amitiés.

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